La photo du type en veste et pantalon lisant le journal assis sur une chaise dans la neige fait partie d'une série de performances dans lesquelles je m'étais lancé au début des années 2000, à une époque où j'étais totalement désorienté (et particulièrement pauvre). j'avais erré pendant quelques années entre l'Espagne, les Landes, et, en débarquant dans le Cantal, n'ayant rien d'autre à faire, je me suis mis à écrire (et à boire) comme un forcené, et, le reste du temps, je passais littéralement mes journées dehors, en montagne ou sur les hauts-plateaux des environs. J'avais découvert, fasciné, le travail des artistes féministes (notamment Cindy Sherman que j'aimais beaucoup) et c'est par imitation que je me suis lancé à mon tour, sans du tout savoir pourquoi et où ça pouvait me mener. Comme j'étais aussi plongé dans une analyse à cette période, c'est pendant les séances que j'ai commencé à comprendre ce qui se fabriquait à travers ses performances. Et en lisant Sara Ahmed aujourd'hui, je le perçois encore mieux. Il fallait, pour retrouver un sens de l'orientation susceptible de me donner un avenir, un horizon, me détacher des chemins que j'avais empruntés jusqu'ici, notamment professionnellement et "conjugalement" - et frayer d'autres chemins. Ce travail commençait évidemment par le corps, défaire "l'image du corps". Je ne l'aurais pas dit comme ça à l'époque parce que j'ignorais tout de la richesse de ce lexique, mais voilà : j'explorais un territoire queer. Je ne possédais qu'un pauvre appareil photo numérique (bien qu'à la fin des années 90, j'avais commencé ce travail avec un appareil argentique - il doit me reste quelques séries de photos dans un carton, je ne sais où.). Elles sont d'une qualité médiocre, mais peu importe. La trace photographique de la performance n'a pas grand chose à voir avec la performance elle-même, ce qu'on en apprend d'expérience, en la vivant. Ce travail a rempli son office quand j'en avais besoin. Et m'a sans doute empêché de devenir fou.

Voici quelques-unes de ces séries, qui datent des années 2005-2006. J'en ai d'autres en réserve qui sont beaucoup plus trash ou sexy, selon les goûts, mais je ne les publie pas : pas envie qu'un‧e patient‧e tombe sur ces clichés, ça perturberait l'analyse.

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